La révision de la loi sur le CO2 et la pétition lancée contre celle-ci sont des sujets brûlants d’actualité. Cela dit, même si l’on exclut les taxes supplémentaires qui pourraient apparaître, les automobilistes payent d’ores et déjà des sommes faramineuses en impôts et autres taxes pour se déplacer. Mais à vrai dire, de quoi se compose exactement le prix de l’essence? Et encore plus intéressant: où va l’argent?
Avec l’adoption du Fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération (FORTA), qui a été soumis au vote et accepté par le peuple en février 2017, bien des choses ont changé. Ce fonds vise à pérenniser le financement des infrastructures routières et à ce qu’une plus grande partie de l’argent versé par les automobilistes revienne à la route. Voilà pour la théorie… Mais, dans la pratique, les flux d’argent ne sont pas aussi simples.
En majorité dans le FORTA
Le prix de l’essence et du gazole se compose d’une part des montants retenus par les fabricants, les intermédiaires (livreurs, etc) et les exploitants de stations-service et d’autre part des taxes et impôts que fixe l’Etat. Et c’est loin d’être anecdotique car même si le pompiste décidait de vous donner son produit gratuitement, un litre d’essence ou de gazole coûterait tout de même encore plus de 70 centimes. Etant donné qu’un litre d’essence coûte actuellement entre 1,35 et 1,45 franc le litre, cela représente actuellement plus de la moitié du montant dépensé à la pompe.
Les taxes regroupent l’impôt sur les huiles minérales, la surtaxe sur les huiles minérales et la taxe sur la valeur ajoutée sur l’intégralité du prix du litre à la pompe. Autrement dit: on paie un impôt sur les impôts. Seule la surtaxe sur les huiles minérales revient complètement au FORTA. La taxe sur la valeur ajoutée – comme c’est le cas pour toutes les taxes sur la valeur ajoutée – tombe intégralement dans les caisses de l’Etat. Ainsi, 10% seulement de l’impôt sur les huiles minérales sont versés au FORTA, 50% revenant au «Financement spécial pour la circulation routière» et le reste (soit 40%) au trésor public. Au total, en 2019, les Suisses ont versé environ 2,72 milliards de francs au titre de l’impôt sur les huiles minérales et 1,79 milliard de francs de surtaxe sur les huiles minérales. En moyenne, sur les 1520 francs payés par les ménages suisses disposant d’une auto, près de 370 francs ne servent pas à financer le réseau routier, mais tombent directement dans les caisses de l’Etat.
Quant au produit de la vente de la vignette autoroutière, qui représente environ 340 millions, il revient entièrement au FORTA, tout comme l’impôt sur les véhicules motorisés; variant selon les cantons, mais il atterrit toujours dans le même pot.
Le FORTA, un marché de dupes?
Le FORTA était censé se substituer au «Financement spécial pour la circulation routière», le FSCR. Or, celui-ci existe toujours et n’a pas grand-chose à voir avec le financement des routes. La moitié de la taxe sur les huiles minérales, soit environ 1,35 milliard de francs par an, atterrit dans le FSCR.
La moitié de cette somme environ sert aux versements compensatoires aux cantons, un tiers étant reversé au Fonds d’infrastructure ferroviaire, 10% bénéficiant à la protection de l’environnement et des paysages et une petite partie permet de couvrir les frais de fonctionnement de l’OFROU.
Sur les 4,5 milliards que versent les conductrices et conducteurs de Suisse, 1,2 milliard environ tombent dans les caisses de l’Etat et 3,3 milliards, dans celles du FORTA, autrement dit au profit des automobilistes. Le calcul est-il bon? Eh bien, pas tout à fait, car le FORTA ne sert pas seulement à financer les routes, mais aussi le «trafic d’agglomération». Vous pensez aux routes et aux rues, mais il s’agit en fait surtout des transports en commun, trams et bus, ainsi que les trottoirs et les pistes cyclables.
Du nouveau avec la loi sur le CO2
Depuis les amendements amenés par la nouvelle loi sur le CO2, va s’ajouter au prix actuel de l’essence une taxe avoisinant sans doute les 10 à 12 centimes. Bien évidemment, cette dernière ne bénéficiera pas directement à la circulation routière, mais à un «Fonds sur le climat». Avec une consommation de carburant de 4,7 milliards de litres par an – sur la base de 2019 – cela représente une somme de 470 à 565 millions de francs. Soit, en moyenne, jusqu’à 190 francs par an et par ménage ayant une auto.
Cet argent sert aussi à financer la réhabilitation de bâtiments ainsi que des projets écologiques visant à prévenir les dommages dus au changement climatique. En outre, la modernisation des trains de nuit devrait engloutir jusqu’à 30 millions.
Mais l’adaptation de la loi sur le CO2 induit aussi un changement: les recettes générées par les pénalités versées depuis 2018 par les importateurs d’automobiles – en 2019, les importateurs ont dû payer 78 millions de francs pour n’avoir pas réussi à respecter le plafond des 95 grammes – ont jusqu’ici bénéficié intégralement au FORTA et donc, indirectement, à la modernisation de l’infrastructure routière. Nouveauté: ces versements devraient revenir pour moitié au FORTA et pour moitié au Fonds sur le climat. Ainsi, le FORTA perdrait une partie de son financement. Comme l’a expliqué la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, son financement serait malgré tout assuré. Ce qu’elle n’a évidemment pas dit, c’est parce que ce montant va une nouvelle fois augmenter depuis cette année. A l’avenir, les taxes ne frapperont plus seulement les voitures de tourisme, mais aussi les véhicules de livraison et les semi-remorques légers.
Les biocarburants bientôt taxés?
Depuis 2013 et l’obligation de compensation du CO2 pour les importateurs d’essence et de diesel, des carburants dits biologiques sont ajoutés aux carburants conventionnels. Avec une vente de 231 millions de litres en 2018, cette proportion de carburants obtenus à partir de déchets et de résidus représente environ 3,5% de la quantité totale. «Les biocarburants sont exonérés d’impôts, ce qui les rend attrayants, aussi bien pour des considérations écologiques qu’économiques. L’an dernier, nous avons ainsi évité de rejeter environ 600 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère, explique Daniel Schindler, le porte-parole d’Avenergy Suisse. Avec l’amendement de la loi sur le CO2, cet avantage majeur va disparaître, ce qui risque d’avoir pour conséquence que les producteurs de carburant ne seront plus disposés à assumer ce surcroît de travail.» λ