L’article est paru le 1er avril. En lisant dans la Berner Zeitung (BZ) ce que la Ville projette de faire en matière de tarification de mobilité, de nombreux Bernois ont cru qu’il s’agissait d’un «witz». Que nenni! Dans le cadre d’un projet pilote soutenu par la Confédération (lire ci-contre), il est prévu de faire passer à la caisse les automobilistes franchissant le pont de Monbijou. Or, cet ouvrage datant des années 1960 est l’un des principaux axes d’accès en provenance de l’est et du sud de la ville.
Selon le quotidien bernois, la directrice aux transports de la Ville de Berne, Marieke Kruit (PS) dit que le choix de cet axe est guidé par des raisons pratiques: «Ce pont est idéal pour un dispositif d’essai simple et peu onéreux.»
En ne ciblant qu’un seul moyen de transport, on ne doute pas que la mise en œuvre soit simplifiée. Quant à l’argument financier, ce ne sera évidemment «peu onéreux» que pour les autorités, car les automobilistes, eux, vont «raquer». Dans un avant-projet antérieur, il était envisagé une tarification différenciée en fonction de la taille des véhicules, des émissions de CO2 et du nombre de passagers. Selon la conseillère municipale socialiste, des «tarifs préférentiels» pour les professionnels sont envisagés – bien qu’ils préféreraient plutôt en être exemptés.
«Une politique de transport sans concept d’ensemble»
A Berne, cette décision unilatérale n’a pas suscité la colère des représentants du peuple. Tout au plus, s’exprimant par le biais d’un «tweet», une parlementaire vert-libérale aurait préféré une approche plus globale.
Quant à la présidente nationale du TCS, Sibylle Plüss, elle s’est contentée de montrer sa désapprobation en résumant cette idée de péage au «patchwork» que constitue notre politique des transports, ne bénéficiant d’aucun concept d’ensemble.
«Cela n’a rien à voir avec la tarification de la mobilité, il s’agit d’un simple projet visant à mettre des bâtons dans les roues dans la locomotion motorisée individuelle», s’étrangle Peter Dütschler (Thoune), député PLR en charge des transports et membre du Parlement cantonal. Selon lui, toute stratégie de régulation de la mobilité par des incitations tarifaires devrait impérativement englober les moyens de locomotion individuelle et les transports en commun.
Le dénigrement de l’automobile comme philosophie
La ville fédérale étant à majorité rouge-verte, rien d’étonnant à ce que ce projet n’y ait guère fait de vagues. En effet, cela fait des lustres que ses élus appliquent une politique des transports systématiquement orientée contre l’automobile. Les sections à 30 km/h sur les grands axes de circulation se multiplient et les suppressions de places de stationnement sont devenues quasi quotidiennes.
D’ailleurs, on ne cache pas sa hargne envers l’auto du côté de l’administration municipale, qui ne parle que de «ROADpricing». La tarification de la mobilité devrait, par définition, englober toutes les formes de mobilité, mais les socialistes ne l’entendent pas de cette oreille. Le PS est aussi très clair sur le financement des transports: «Le produit des taxes sur les carburants reviendra dans son intégralité aux transports en commun», peut-on lire dans leur prise de position. Leur rêve (utopie ?) est limpide: «Un jour, les transports en commun seront gratuits.» Cependant, l’objectif principal de la tarification de la mobilité reste de désengorger le trafic aux heures de pointe. Or, si l’argent n’est plus un levier, la mesure perd son sens.
Cela fait longtemps que l’on cherche la solution idéale dans la manière de prélever les taxes liées aux déplacements, tant en Suisse que dans les villes du monde entier. En février dernier, le Conseil fédéral a fait un pas supplémentaire en ouvrant la consultation sur la «Loi fédérale sur le projet pilote de tarification de la mobilité». Le processus de consultation prendra fin le 17 mai 2021.
Selon l’avant-projet de cette loi, tout est possible, aussi bien des concepts globaux que la tarification routière pure et simple ou une tarification limitée aux transports publics. Selon l’agenda actuel, le projet pilote pourrait débuter en 2024 et durerait au maximum quatre ans. Les mesures prises devraient rester des essais: l’avant-projet de loi exige qu’elles soient réversibles.
De l’intérêt allant du lac Léman au lac de Constance
De nombreuses collectivités se sont déclarées intéressées après l’appel de l’Office fédéral compétent lancé l’an dernier. Les cantons d’Argovie, de Bâle-Ville, de Genève, du Jura, de Thurgovie (Frauenfeld), du Valais et de Zoug ainsi que les villes de Berne, Biel/Bienne, Delémont et Zurich ont répondu favorablement.
Conformément au message du Conseil fédéral, l’objectif du «mobility pricing» consiste notamment à «utiliser plus efficacement les infrastructures de transport existantes en régulant le comportement des usagers». Une approche objective qui n’est pas du goût des majorités rouges-vertes des villes. Elles considèrent les péages routiers comme un moyen efficace pour réduire le trafic motorisé, et non pour le fluidifier.
Les avis sont encore très partagés (sauf à l’UDC, clairement opposée), mais cela augure déjà de discussions très houleuses au Parlement, si toutefois la «loi sur le projet pilote» finit par y atterrir. Les fédérations professionnelles comme l’Astag, quant à elles, sont depuis longtemps des adversaires déclarés de la tarification de la mobilité. L’association «Routiers suisses» y voit un «exercice de style parfaitement inutile». Des mesures incitatives ne peuvent réguler que de façon limitée les transports de marchandises et les déplacements des pendulaires. Il faut agir au niveau de l’infrastructure, qui doit suivre le rythme de la demande.
Le TCS n’a pas été non plus avare de critiques. «Le Touring Club de Suisse rejette tout modèle visant à éviter les pics de trafic en majorant les prix aux heures de pointe. De tels systèmes seraient antisociaux et pénaliseraient essentiellement ceux dont les horaires de travail ne sont pas flexibles.»
L’ACS est plus nuancé: «La tarification de la mobilité permettrait d’optimiser l’utilisation de l’infrastructure et, donc, de l’améliorer, tant sur la route que sur le rail.» Toutefois, le club automobile formule une condition sine qua non: le «mobility pricing» n’est acceptable que s’il y a une totale transparence des coûts. Le citoyen doit savoir exactement où part son argent mais, au vu de la politique de subventionnement des transports en commun, c’est déjà tout vu.