L’année 2021 fut riche en décisions, en matière de politique des transports. Hélas, la plupart d’entre elles laissent présager un avenir assez sombre pour les conducteurs. Quelques victoires sont heureusement venues contrebalancer ces revers. Nous pensons notamment au rejet par le peuple suisse de la révision de la loi sur le CO2, en juin – au nez et à la barbe de la quasi-totalité de la classe politique. La population n’a pas voulu de ces taxes, qui auraient haussé le coût de la vie. Cette triomphe a, hélas, été suivie par deux «représailles» du gouvernement: peu après cette défaite dans les urnes, le Conseil fédéral décidait d’augmenter la surtaxe sur les huiles minérales. Puis, début décembre, le gouvernement a serré drastiquement la vis pour les véhicules à fortes émissions de CO2.
A l’échelle plus locale, de nombreuses villes décidaient d’abaisser la limitation à 30 km/h sur leur territoire et mettaient sur pied des projets de taxation de la mobilité. De taxation de la route, faudrait-il dire, les instances dirigeantes de villes ne voulant sanctionner que les automobilistes. Cette attitude leur vaudra d’ailleurs une réprimande de la Confédération, pour qui cette hostilité à la voiture allait trop loin.
Mobility Pricing à l’épreuve
La Confédération a estimé que le temps était venu de mener des essais «grandeur nature» de tarification de la mobilité, autrement appelé «Mobility Pricing». Pour compenser la diminution des recettes en provenance des taxes sur les huiles minérales, il sera nécessaire d’introduire une redevance kilométrique pour assurer le financement de l’infrastructure routière. Le Conseil fédéral a ainsi invité les villes, communes et cantons à présenter des projets pilotes de tarification de la mobilité, en soulignant que ces plans ne devaient pas se limiter à un péage urbain pour les voitures. Peine perdue: les villes n’ont présenté que des projets ne taxant que les voitures. La Confédération a donc demandé aux villes de revoir leur copie et d’inclure aussi les transports publics.
Le déferlement des zones 30 km/h
En 2020, la conseillère nationale Gabriela Suter (PS/AG) déposait une initiative parlementaire pour l’introduction du 30 km/h généralisé dans les villes, mais c’est en 2021 que cette idée devenait plus concrète. Nombreuses sont les villes à avoir étendu les zones 30 km/h cette année et à envisager leur généralisation. Toutefois, les gouvernements des villes se sont heurtés à des réticences: le camp des automobilistes bien sûr, mais aussi celui des transports publics. En effet, pour garder une cadence similaire entre chaque course, les entreprises devraient augmenter le nombre de véhicules, avec des lourdes conséquences sur leurs finances. Des résistances qui n’ont pas empêché des villes comme Lausanne, Winterthur ou Zurich d’introduire le 30 km/h. La Confédération a rappelé les villes à l’ordre: le 50 km/h doit être la norme pour les axes de transit.
Non à la loi sur le CO2
Un long combat, qui aboutira à une décision cruciale. Le peuple a rejeté en juin le projet de révision de la loi sur le CO2, un texte pourtant soutenu par la quasi-totalité de la classe politique. Seule une alliance contre-nature composée d’écologistes et de l’UDC s’est opposée à la loi et a lancé un référendum. La ministre du Detec, Simonetta Sommaruga, s’est engagée corps et âme pour l’acceptation de cette loi, mais rien n’y a fait: le peuple n’en a pas voulu. Une discussion animée a suivi au parlement et dans les médias pour comprendre les raisons de ce rejet. Pour certains, la loi n’allait pas assez loin. Pour d’autres, ce «niet» de la population signifiait un «ras-le-bol» envers des mesures toujours plus extrêmes. La branche automobile a, elle, salué cette victoire, car la loi révisée ne prévoyait que des interdictions, des contraintes, de nouvelles taxes et des subventions très floues. Pour le milieu de la mobilité individuelle, il faut plutôt encourager la recherche et le développement de nouvelles solutions. A la suite de cet échec, Simonetta Sommaruga a récemment présenté une nouvelle mouture de cette loi. Des milliards de subvention sont toujours prévus pour le remplacement des chaudières à mazout ainsi que le développement des transports publics et des stations de recharge pour les voitures électriques. Hélas, des amendes plus élevées pour les importateurs d’automobiles en Suisse sont aussi à l’ordre du jour.
Prix de l’essence
Le tarif du litre d’essence n’a jamais été un modèle de stabilité, mais sa fluctuation a été extrême en 2021: alors qu’il débutait l’année à 1,40 fr./litre, le litre de carburant frôlait la barre des 2 fr./litre au cours de l’année. Cette hausse s’explique par des facteurs économiques, la fin des confinements dans le monde entraînant une explosion de la demande, prenant de court l’offre. Reste qu’une grande partie du prix de l’essence est composée d’impôts: entre taxes, surtaxes et TVA, l’Etat sanctionne trois fois les automobilistes et ne s’arrête pas là. La Confédération a décidé de ponctionner davantage le litre d’essence au nom de la protection du climat, malgré le rejet de la loi sur le CO2. Et cela, en dépit du fait que le «centime climatique», prélevé sur chaque litre d’essence, ramenait déjà suffisamment de recettes pour le financement de projets compensatoires.
Hausse des amendes pour le CO2
Malgré le rejet de la loi sur le CO2, la Confédération a encore augmenté en décembre les amendes pour les importateurs d’automobiles pour 2022. D’après le département dirigé par la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, des adaptations de l’ordonnance sur les émissions de CO2 s’imposent. Si les raisons de cet empressement soudain sont peu claires, ce qui l’est, c’est que les mesures de facilitation («phasing-in») pour les petits constructeurs sont supprimées par ce changement de dernière minute. Les prix des voitures à fortes émissions de CO2 – Ferrari, Lamborghini, Aston Martin, etc. – vont exploser, sans que les bénéfices pour le climat ne soient tangibles. C’est l’avis du président d’Auto-Suisse, François Launaz: «Ces mesures ne réduiront aucunement les émissions de CO2, mais augmenteront les coûts.»
International: entre crises et engagements
2021 a été difficile pour les constructeurs. Les marques ont cependant jeté des bases pour l’avenir.
Crise des semi-conducteurs
Le petit grain de sable qui a enrayé la machine. En 2021, l’industrie automobile a subi de plein fouet la pénurie de puces électroniques. Tous les constructeurs ont été contraints d’arrêter leurs lignes de montage, des semaines voire des mois, ce qui allongeait d’autant les délais de livraison aux clients. Cette crise a mis au grand jour la fragilité des chaînes d’approvisionnement, qui reposent sur un petit nombre de fournisseurs. Les confinements décrétés pour endiguer la pandémie de Covid-19 ont, en effet, fait exploser la demande de semi-conducteurs pour les appareils électroniques domestiques. Pour empirer la situation, l’offre s’effondrait dans le même temps, en raison d’un incendie dans une usine productrice de puces au Japon et d’un black-out causé par un blizzard au Texas, où sont situées de nombreuses fabriques de semi-conducteurs. Les experts s’attendent à un retour à la normale à la mi-2022.
Logiciels et données
Parallèlement au virage de l’électromobilité, les constructeurs automobiles se sont aussi engagés dans la voie de la numérisation en 2021. Les marques ont investi des sommes colossales pour le développement de logiciels, ont embauché des milliers d’ingénieurs informaticiens et ont même créé de nouvelles sociétés dédiées. C’est le cas de Cariad, une entreprise issue de Volkswagen, qui engage plusieurs milliers de personnes. Mercedes a également annoncé la création de 3000 postes similaires dans le monde. Il n’en va pas seulement du développement des systèmes d’infodivertissement, mais aussi de la conception de la conduite autonome. Puis, ces logiciels seront capables de collecter de nombreuses données sur le comportement des utilisateurs. Les exemples de Google et Facebook ont déjà démontré que ces données sont une gigantesque manne financière.
A fond vers la voiture électrique
Après avoir longtemps tergiversé, l’industrie automobile semble, à l’unisson, avoir embrassé la voiture électrique. Rares sont les marques et les groupes qui n’ont pas annoncé en 2021 des investissements monumentaux dans l’électromobilité, en plus de l’abandon du moteur à combustion interne pour certains d’entre eux. C’est le cas pour Ford, Honda et Mercedes, qui ont décrété la fin du moteur thermique entre 2030 et 2040. Même Toyota, qui a longtemps hésité, s’est décidé à faire le grand plongeon dans le grand bain de l’électrification. Le géant japonais a, en effet, dévoilé, peu avant la fin de l’année, un plan prévoyant l’arrivée de 15 modèles purement électriques. Tous les segments sont concernés, de la citadine au pick-up, en passant par le minibus. Reste que l’hydrogène et les carburants continueront à être développés, chez Toyota… et chez les autres.