Si la plupart des automobiles contemporaines utilisent des systèmes d’alimentation à injection directe, certaines, parmi elles, continuent à avoir recours à l’injection indirecte pour faire tourner leur moulin à essence. En effet, sous certains capots, ce type de système continue bel et bien à officier, mais le plus souvent en combinaison avec un dispositif à injection directe. A quoi peut bien servir un système d’une telle complexité mécanique? Avant de répondre à cette question, il importe de revenir aux fondamentaux de la technologie d’injection, c’est-à-dire à la manière dont fonctionnent les différents types de systèmes que sont les injecteurs dits «directs» et «indirects».
Dans les systèmes d’injection indirecte, la formation du mélange se fait à l’extérieur de la chambre à combustion. Le mélange air-carburant homogène est réparti régulièrement dans la chambre de combustion durant les temps moteur d’admission et de compression. Avant d’aller plus loin dans ces explications, il importe de distinguer l’injection indirecte monopoint de l’injection indirecte multipoint.
Dans l’injection indirecte monopoint, le lieu d’injection de tous les cylindres est centralisé en un seul endroit (injecteur unique), en amont du papillon des gaz. La pulvérisation à travers la section d’ouverture du papillon et la vaporisation sur les parois chaudes de la tubulure d’admission et, le cas échéant, sur des éléments chauffants supplémentaires, favorisent la formation du mélange. Dans l’injection indirecte monopoint, différentes distances de transport, combinées à des embranchements de tubulures de forme différente, font que le carburant n’est pas réparti de façon régulière dans tous les cylindres. Des tourbillons périphériques et la formation d’un film sur les parois des cylindres peuvent, dans certains cas, provoquer une composition hétérogène du mélange, surtout lorsque le moteur est froid. Evidemment, ces facteurs péjorent la bonne formation du mélange, ce qui influence négativement le rendement et plombe la puissance maximale.
Du mono-injecteur au multi-injecteur
Insolubles en conservant la technologie d’injection indirecte monopoint, ces problèmes ont été partiellement résolus grâce à l’injection indirecte multipoint. Dans celle-ci, chaque cylindre dispose d’un injecteur (plusieurs injecteurs donc) monté dans sa tubulure d’admission, directement devant la soupape d’admission. Ainsi, le parcours du flux admis est-il de même longueur pour tous les cylindres et le mélange est réparti uniformément dans chacun d’eux. L’implantation proche de la soupape d’admission réduit la formation de film sur les parois du cylindre et permet de réduire les polluants dans les gaz d’échappement. Aussi intéressants qu’ils soient par rapport à l’injection monopoint, les dispositifs multipoints étaient perfectibles. Voilà qui explique la mise au point de l’injection directe.
Dans le cas de l’injection directe, seul de l’air frais passe par la soupape d’admission. Le carburant, lui, est injecté directement dans la chambre de combustion. C’est d’ailleurs pour cette raison technique que les dispositifs d’injection directe sont toujours des systèmes multipoints. L’essence est injectée à très haute pression, jusqu’à plusieurs centaines de bars. En fonction des besoins du moteur et de l’état de charge, le mélange formé peut être homogène ou hétérogène. A l’inverse de l’injection indirecte, la directe permet d’éviter la formation d’un film sur les parois du cylindre ou une répartition inégale du carburant. En outre, elle permet d’améliorer le refroidissement de la chambre de combustion en optimisant la pulvérisation directe du carburant. Cela permet une compression plus élevée du moteur et, par conséquent, un meilleur rendement, ce qui contribue à réduire la consommation de carburant tout en augmentant le couple.
Les limites de l’injection directe
Bien qu’elle soit plus onéreuse à développer et à produire, l’injection directe s’est rapidement imposée face aux dispositifs à injection indirecte, et ce grâce à sa technique plus intéressante (surtout en matière de puissance). Pourtant – et vous l’aurez peut-être remarqué – il arrive parfois que les termes «injection indirecte» se retrouvent encore aujourd’hui dans les fiches techniques de la Revue Automobile. Mais, pourquoi donc? A leurs débuts, les dispositifs d’injection directe utilisaient la technique de la stratification pour optimiser leur combustion. Jugée trop polluante, cette technique a rapidement été abandonnée au profit de la combustion homogène. Néanmoins, le problème avec cette manière de brûler du carburant, c’est qu’elle n’est pas aussi efficace dans toutes les phases de fonctionnement. Pour cette raison, des ingénieurs automobiles ont eu l’idée de coupler un dispositif d’injection directe avec un système indirect. Mais, comment tout cela a-t-il été rendu possible?
Placé dans la chambre de combustion, l’injecteur dit «direct» se double d’un injecteur dit «indirect», positionné dans le conduit d’admission (il s’agit donc d’une injection indirecte multipoint), en amont des soupapes d’admission (voir ci-contre). Le premier injecteur (direct) est enclenché lors des phases d’utilisation à hauts régimes et des grands besoins de puissance. Il permet alors de refroidir l’air d’admission grâce à l’effet de refroidissement des vapeurs du carburant, qui sont injectées dans le cylindre. Voilà qui améliore l’efficacité de la charge et les propriétés antidétonantes. De son côté, l’alimentation indirecte est utilisée aux régimes intermédiaires et lors des reprises, où un afflux important de carburant est nécessaire. Il est néanmoins possible de voir les deux injecteurs fonctionner en même temps. En effet, à faible charge, les injections directe et indirecte sont utilisées ensemble, et ce afin de créer un mélange homogène d’air et de carburant, contribuant ainsi à la stabilité des processus de combustion.
Les avantages de l’alliance
Associées, les deux technologies permettent d’optimiser le rapport volume air/essence admis dans la chambre de combustion tout en améliorant la puissance maximale. En outre, la combinaison des deux approches, normalement distinctes, permet de réduire les pertes d’énergie à charge partielle (grâce à l’injection indirecte), tandis que, comme cela a déjà été dit, les limites de cognement se voient repoussées à pleine charge (grâce à l’injection directe). Ce n’est pas tout, l’injection indirecte d’essence apporte encore plus d’avantages à ce partenariat bénéfique. Grâce à une bonne homogénéisation du mélange, le système génère moins de particules, présente des niveaux sonores plus faibles et consomme moins de carburant dans les situations de faible charge du moteur grâce à sa perte de friction inférieure à celle de l’injection directe. Ainsi, la bi-injection permet-elle des avantages en matière de consommation de carburant et d’émissions, tant à charge partielle qu’à pleine charge. En somme, chacun des deux partenaires laisse l’autre prendre la tête lorsqu’il s’agit de montrer sa force respective. Le moment venu, ils peuvent également s’associer. Chaque système d’injection offre ses avantages en matière de rendement énergétique et de nombre de particules fines émises dans les différentes plages de fonctionnement du moteur. Combinés, les systèmes permettent une réduction supplémentaire des émissions de particules.
C’est Toyota, qui en 2006, a évoqué pour la première fois le terme de bi-injection. A l’époque, l’objectif de la technologie était de tirer le maximum de puissance d’un moteur atmosphérique. Aujourd’hui, la technologie est utilisée par d’autres entreprises, comme Bosch par exemple, et pas seulement sur des moteurs atmosphériques. Permettant d’obtenir plus de puissance avec moins d’énergie consommée, la bi-injection devrait contribuer à sauvegarder les intérêts du moteur thermique face aux redoutables machines électriques. Du moins pendant un certain temps encore.
Bosch, plus d’un siècle d’injection
1912 C’est en 1912 que Bosch parle pour la première fois d’un système permettant une «alimentation précise en carburant». A cette époque, le moteur à essence se généralise rapidement dans les véhicules, au détriment des moteurs diesel et à vapeur. Ces expériences ne constituaient cependant pas un domaine de recherche principal chez Bosch. Elles sont d’ailleurs rapidement abandonnées.
1921 Une dizaine d’années plus tard, Bosch y revient néanmoins en testant un système d’injection sur une turbine à essence. Le système est un graisseur Bosch modifié, normalement utilisé pour huiler des pièces en mouvement. Toutefois, les expériences se révèlent décevantes et, après une longue série de tests infructueux, elles sont suspendues. Provisoirement du moins…
1928 En 1928, Bosch persévère en convertissant ses pompes à injection de diesel (prêtes pour la production en série) en pompe à injection d’essence. Malheureusement, le succès n’est pas au rendez-vous: la lubrification assurée par l’essence n’étant pas aussi bonne que celle du diesel, les pistons de la pompe se grippent. Le système demande à être amélioré.
1951 Dévoilé en 1951 au Salon de l’automobile de Francfort sur une Goliath GP 700 à 2 temps, le premier dispositif d’injection d’essence installé sur une automobile permet de réduire la consommation et d’augmenter la puissance grâce à un dosage précis. Trois ans plus tard, le système est proposé sur la Mercedes-Benz 300 SL, soit la première «4 temps» produite en série avec une injection directe d’essence.
1957 Trois ans après le lancement de la 300 SL et son injection directe, Bosch dévoile un nouveau système, à injection indirecte cette fois. Installé sur un six-cylindres Mercedes-Benz une fois encore, il représente une alternative très intéressante à l’injection directe de carburant, plus coûteuse. Bien que l’augmentation de la puissance soit moins spectaculaire, le système a l’avantage de consommer moins de carburant et de nécessiter moins d’entretien qu’un carburateur classique.
1967 En 1959, Bosch se lance dans le développement d’un système d’injection d’essence à commande électronique. Plusieurs années seront nécessaires à la firme allemande pour que la technologie soit prête à être commercialisée. Lancé en 1967, le «Jetronic» fut le premier système d’injection électronique d’essence produit en série. Il a fait ses débuts dans la version américaine des Volkswagen 1600 LE et TLE.
1979 Lancée en 1979, l’injection Motronic Bosch est l’un des premiers micro-ordinateurs introduits de série dans une voiture. Commandant à la fois l’injection, l’allumage ainsi que d’autres paramètres, il fera ses débuts sous le capot d’une BMW 732i.
2000 Au début des années 2000, Bosch revient à ses premières amours: l’injection directe, qui avait tant fait sensation sur la 300 SL de 1954. L’innovation de la «DI-Motronic» réside dans sa fonction de turbocompression. Ce procédé permet de brûler une petite partie du mélange air-carburant et de réduire ainsi la consommation de carburant.
2005 En 2005, la deuxième génération de DI-Motronic représente un pas de plus dans le processus de réduction de consommation de carburant. Et pour cause, elle contrôle la commande variable des soupapes, le turbocompresseur et l’injection directe. La bi-injection suivra dans la foulée (lire texte principal).