Changement d’ère

Sentant le vent tourner, Mercedes a embrassé la voie électrique avec son vaisseau amiral, l’EQS, véritable tournant technologique.

A Stuttgart, les Classe S ont toujours joué le rôle de référence, de boussole technologique pour l’ensemble de l’industrie. L’EQS, sorte de «Classe S électrique», n’entend pas déroger à la règle. La quête d’espace peut désormais s’affranchir des entraves techniques liées au moteur à combustion. Le capot avant plus court a permis d’avancer l’ancrage du pare-brise, alors que l’empattement généreux profite désormais dans son entier aux passagers, privilégiés dans cette «première classe» du marché électrique. Cette longue silhouette (5,2 m), modelée pour être la plus aérodynamique possible, demande de l’habitude et ne plaira pas à tous. Le résultat, en revanche, est bien là: le coefficient de pénétration dans l’air est de seulement 0,20. Un record. 

Ce style particulier est peut-être une façon pour Mercedes de rappeler qu’une Classe S se doit de poser de nouveaux jalons, comme elle le fait depuis un demi-siècle. Toutefois, le titre de roi de l’innovation avait changé de main au cours de la dernière décennie. D’autres marques ont joué les pionniers, non seulement avec leurs produits, mais aussi dans leur manière de communiquer ou d’organiser leur distribution (vous avez dit Tesla?). L’EQS est donc arrivée à temps pour remettre l’église au milieu du village, et remonter l’étoile au firmament. Pourtant, cet objectif paraît bien plus difficile à atteindre lorsqu’on a affaire à des propulsions électriques, plus similaires dans leur façon d’être que les anciennes et nobles mécaniques à pistons.

Lointain lien de parenté

Au niveau de la carrosserie, la qualité est bien au rendez-vous: les jointures et les alignements sont parfaits, il fallait bien cela avec d’aussi grands panneaux de tôle, qui ne pardonnent aucune faute d’alignement. Bonne impression toujours à l’intérieur, mais les plus pointilleux relèveront l’aspect quelconque de certains matériaux. L’agencement transpire la modernité, mais il ne peut dissimuler quelques plastiques d’aspect ingrat. Cet habitable repensé dans tous les détails ne conserve qu’un lien de parenté éloigné avec les Classes S précédentes. Une impression qui émane surtout de l’hyper-écran, le tableau de bord numérique presque aussi large que la voiture. L’EQS s’assimile davantage à un superordinateur sur roues qu’à une auto «à l’ancienne»; nos repères sont secoués. Cependant, après quelques secondes de découragement, on s’habitue à cette façade numérique. Ceci n’est pas seulement dû au fait qu’après quelques kilomètres, on se fait à son utilisation, mais aussi parce que tout a été minutieusement étudié au niveau des interfaces et du confort d’utilisation.  

Une fois installé, on se sent immédiatement l’aise, le pare-brise rejeté loin devant y est aussi pour quelque chose. L’espace pour les jambes est royal, à l’avant comme à l’arrière, et la longueur de l’habitacle est gigantesque; rappelons qu’il n’y a pas de V8 ni de transmission. De fait, il n’était pas utile de proposer une version à empattement allongé, indisponible pour l’instant. Le coffre se montre, lui aussi, très spacieux avec ses 610 litres. Qui plus est, l’espace de rangement est modulable (jusqu’à 1770 litres) grâce aux dossiers arrière rabattables, une première sur une Mercedes S. Autre nouveauté, le hayon en lieu et place du couvercle classique; ce dernier n’aurait laissé qu’un accès étroit au coffre, en raison de l’arrière tronqué. 

Superordinateur

L’hyper-écran se compose de trois lucarnes réalisées en verre de sécurité, sans cadre. Il se fond ainsi totalement dans le mobilier et sert aussi bien de tableau de bord numérique que de centrale d’infodivertissement. Le passager, qui pouvait trouver le temps long lors des trajets, aura aussi droit à son propre écran, pour se distraire. L’ingénieur responsable de ce système sophistiqué déclarait non sans humour, lors de la présentation presse de l’EQS, qu’il avait été marié avec ce super écran pendant les quatre ans de développement. Reste que le résultat n’a rien d’un délire d’intello; il s’agit d’une formidable interface homme-machine dont l’usage se révèle beaucoup plus intuitif que prévu. La dalle centrale donne un retour haptique grâce à douze actionneurs nichés derrière, de manière à confirmer les ordres reçus. Avec 24 gigabits de mémoire de travail, le système d’infotainment MBUX Mercedes bénéficie de la puissance de calcul nécessaire pour servir au mieux les occupants. Une intelligence artificielle se charge ainsi de mettre en premier plan les applications les plus utilisées, mais l’utilisateur est toujours libre de les ordonner à sa guise. Cette interface utilisateur de type «no layer» évite de recourir trop souvent aux sous-menus. Le système réagit aussi à un très vaste registre de commandes vocales, sans aucune interaction manuelle. Il suffit de dire «bonjour Mercedes» pour accéder à des réponses ciblées. Si la commande vocale de la concurrence est souvent exaspérante, celle de l’EQS guide rapidement au menu désiré, par exemple pour des réglages et paramètres spécifiques. Nous nous sommes donc familiarisés très vite avec ce nouveau concept de commande, ce qui n’arrive pas très souvent.

L’assistance en toute simplicité

Une voiture de cette catégorie suscite toujours beaucoup d’attentes en matière de sécurité et d’assistances à la conduite. Pour notre part, nous avons sollicité l’assistant de conduite actif aussi souvent que possible. Celui-ci travaille en arrière-plan, mais de manière extrêmement fûtée, de sorte qu’il serait contre-productif de s’en passer. Quasiment infaillible, l’EQS prend les bonnes décisions, sauf lors de manœuvres (automatisées) de dépassement de véhicules lents; elle met alors trop de temps à retrouver sa vitesse de croisière ou à rejoindre la voiture qui la précédait. De même, la reconnaissance des panneaux interprète parfois des limitations non pertinentes – comme celles des bretelles de sorties – il est vrai pas toujours bien situées.

Sur l’affichage tête haute, les indications de navigation collent à la route. Cette réalité augmentée est ainsi capable de superposer une flèche lumineuse au marquage réel de l’asphalte. Autre miracle de technologie: l’EQS observe votre regard pour s’assurer qu’il est bien dans l’axe des infos projetées sur le pare-brise. Mais tant qu’à faire, les puces auraient pu en profiter pour ajuster seules l’alignement… Tant pis, on le fera soi-même, en invoquant le menu adéquat via la commande vocale. 

L’EQS 580 donne aussi le change sur le plan de la propulsion: 385 kW ou 523 ch de puissance, 855 Nm de couple, batterie de 396 V et 200 kW de puissance de recharge en courant continu. Ce vaisseau silencieux de 2,5 tonnes franchit les 100 km/h en tout juste 4,4 secondes et se montre tout aussi redoutable au freinage, avec des distances d’arrêt inférieures à la moyenne. L’énorme capacité de la batterie (107,8 kWh) assure, en outre, une autonomie supérieure à 600 km. Lors de l’essai, et sans nous soucier de la consommation – elle oscille entre 17,7 kW/h en ville et 30,5 kW/h sur l’autoroute – nous avons parcouru une distance réelle de 520 km. L’EQS se montre aussi facile à manœuvrer par la magie de ses quatre roues directionnelles; cet artifice la rend aussi maniable qu’une Classe A (nous avons mesuré un diamètre de braquage de 10,9 mètres). Dans les virages serrés, l’essieu arrière de l’EQS suit très fidèlement la trajectoire et la direction intégrale accentue aussi de l’agilité dans les épingles et les ronds-points. Les voitures de présérie, qui répondent d’ores et déjà au niveau 3 de la classification de la conduite autonome, parviennent à faire le tour de ces mêmes ronds-points sans intervention du conducteur.

«Planche à roulettes»

La nouvelle plateforme E de Mercedes impressionne non seulement par sa taille, mais aussi par sa modularité. En bref, on peut la voir comme une grande batterie porteuse avec un essieu à chaque extrémité. D’où ce qualificatif interne de «skateboard», trop réducteur si l’on en juge par la sophistication des trains roulants, à quatre bras transversaux pour l’avant et de type multibras à l’arrière, avec des ressorts pneumatiques adaptatifs aptes à effacer tous les défauts de la route. Le châssis répond ainsi à toutes les attentes: l’EQS vire avec une grande précision et semble planer au-dessus du bitume. L’atténuation des bruits de roulement atteint ici un niveau sans doute inégalé. Le silence de marche est aussi le résultat du travail aérodynamique évoqué en début d’article. Cependant, l’EQS ne parvient pas totalement à faire oublier sa masse, en dépit de ses accélérations vigoureuses. Certes, son centre de gravité bas aide à réfréner les mouvements de la carrosserie, mais on ressent le surpoids dans les enchaînements de virages. Et aucune inquiétude lors des ralentissements: les palettes au volant permettent de varier la récupération d’énergie et l’on prend vite goût à la conduite à «une seule pédale». Sur les routes de campagne sinueuses, le niveau supérieur de récupération fait penser à la conduite d’une moto de grosse cylindrée, qu’on exploiterait au frein moteur. La capacité d’accélération est aussi digne des «gros cubes»! Avec ses deux moteurs et sa transmission intégrale, l’EQS 580 dévore la route avec violence. Le meilleur dans tout ça, c’est que même après une boucle de Zurich jusqu’au lac de Neuchâtel, avec retour par l’arrière-pays lucernois, on dispose encore d’une marge de plusieurs centaines de kilomètres d’autonomie. Voilà donc enfin une électrique qui pousse la sérénité au-delà du simple confort de conduite. Avec un tel porte-drapeau et une gamme électrique déjà bien étoffée, Mercedes peut voir venir l’année charnière 2035 sans trop d’inquiétude. Les automobilistes aussi.

Résultats

Note de la rédaction 81.5/100

moteur-boîte

Puissante, mais silencieuse: l’EQS répond parfaitement à la définition de la berline haut de gamme.

trains roulants

Grâce à une armada technologique, la limousine allemande réussit à être confortable, dynamique et étonnamment maniable pour le gabarit.

Habitacle

Le très large écran attire toute l’attention. Certains plastiques ne sont pas à la hauteur du standing de l’auto. L’habitabilité est, en revanche, princière. 

Sécurité

Les assistants à la conduite finement paramétrés, l’ergonomie bien étudiée et l’excellent freinage apportent tous leur contribution à la sécurité, digne des standards de la marque. 

Budget

Une Mercedes reste une Mercedes: les options sont quasi infinies, pour autant que l’on ait les poches suffisamment profondes. Notre exemplaire de test avoisinait, en effet, les 200 000 francs. 

Verdict 

Est-elle belle, laide ou inhabituelle? Chacun aura son avis sur l’esthétique de l’EQS. En revanche, là où la limousine met tout le monde d’accord, c’est sur l’habitabilité. Son autonomie se situe parmi les meilleures de la catégorie, si bien que l’on se soucie beaucoup moins des passages à la borne de recharge. L’EQS est une vitrine du savoir-faire de Mercedes, mais la concurrence arrive à grande enjambées. 

Vous trouverez le fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.

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