De grands espoirs reposent sur les épaules du Tonale. Le nouveau modèle d’Alfa Romeo aurait de bonnes chances de rencontrer le succès, car il correspond exactement aux goûts actuels. En effet, les SUV compacts se vendent comme des petits pains. Toutefois, au terme des deux mois qui ont suivi son lancement, il s’en est vendu 122 exemplaires en Suisse. C’est honorable, mais cela n’a rien d’un raz-de-marée. Pourtant, visuellement, le Tonale en jette. Ses gènes transalpins sont évidents et on ne peut qu’admirer les signatures LED aussi réussies à l’avant qu’à l’arrière. Signe particulier de toute Alfa Romeo, le Tonale n’oublie pas le «scudetto» au milieu de sa face avant, raison pour laquelle la plaque d’immatriculation a été déplacée sur le côté gauche. Tout aussi typiques de la marque, le profil musclé et les jantes en cadran de téléphone séduisent. L’arrière effilé complète l’apparence avec cohérence et fait paraître le Tonale plus grand qu’il ne l’est en réalité.
En effet, l’espace n’est pas énorme, mais il est dans la moyenne du segment. Il se tient à bonne distance du Stelvio, sa longueur de 4,53 mètres correspondant à peu près à celle du Jeep Compass. En effet, le SUV italien partage avec son cousin américain sa plateforme et ses motorisations. Nous avons déjà essayé le Compass à deux reprises cette année, une fois avec le moteur 1,3 l de 110 kW (150 ch) et une fois avec l’hybride plug-in 4XE. Or, à chaque fois, ce Jeep Compass ne nous a que partiellement convaincus.
Jeu des différences
Nous ne voulons toutefois commencer le test en ayant des préjugés. D’ailleurs, le Tonale se distingue plutôt nettement du Compass dans l’habitacle. La première chose qui saute aux yeux, ce sont les énormes palettes de changement de vitesse en métal. On peut se demander quelle est leur utilité au vu de la puissance de 96 kW (130 ch), mais nous y reviendrons plus tard. Impossible de douter que l’on se trouve bien dans une Alfa, en raison du grand logo sur le volant ainsi que le petit drapeau italien sous le levier de vitesses. L’écran tactile de 12,3 pouces est également typique de la marque, avec sa forme allongée qui s’intègre avec une relative discrétion au tableau de bord. Le système d’infodivertissement plaît par ses menus clairs, sa réactivité et sa mise en réseau – comme il se doit, les mises à jour et les nouvelles fonctions peuvent être facilement ajoutées via Internet. De plus, des touches physiques classiques sont encore présentes pour les fonctions principales, ce qui est appréciable. Pas rétro pour autant, le Tonale est même avant-gardiste, car il intègre la technologie NFT (jetons non fongibles). Cela signifie en gros que le carnet d’entretien n’est plus nécessaire, les principales données du véhicule étant enregistrées en ligne et sécurisées par la blockchain. Celles-ci sont donc toujours accessibles et infalsifiables.
En outre, le Tonale se distingue du Compass par des éléments mineurs tels que l’unité de commande de la climatisation, les panneaux de porte et le tableau de bord. L’ensemble rend très bien sur les photos, mais en réalité, cela dépend fortement de la ligne d’équipement choisie. D’ailleurs, le Tonale n’en compte pas moins de 17. Cela a l’avantage de ne rien avoir à choisir d’autre que la couleur, mais cela ne rend pas le choix plus clair pour autant. Notre véhicule de test dans sa variante Speciale Premium ADAS (52 900 francs) se situait assez exactement au milieu de la fourchette de prix. Cela signifie que les phares matriciels à LED, les étriers de frein rouges Brembo et le système audio Harman Kardon étaient de la partie, mais que les matériaux de l’habitacle n’ont pas fait l’objet d’un soin particulier. Pour ceux qui veulent (un peu) plus de chic, il faut se tourner vers les variantes plus chères.
Un tour de force peu glorieux
La parenté de l’Alfa Romeo Tonale avec le Jeep Compass signifie aussi qu’une véritable transmission intégrale n’est pas disponible. Si l’on veut que les quatre roues soient motrices, il faudra opter pour l’hybride plug-in de 275 ch, qui ne sera disponible qu’ultérieurement. Notre modèle de test était doté d’un moteur essence de 1,5 l, disponible en versions de 130 ou 160 ch, toutes deux équipées d’une hybridation légère et disposant d’une boîte à double embrayage à 7 vitesses.
Venons-en au sujet vraiment épineux. On ne peut malheureusement pas le dire autrement, le bloc «mild hybrid» de 130 ch réussit le tour de force d’attirer l’attention sur ses défauts dans presque toutes les situations de conduite. Cela commence dès le démarrage, lorsque la première petite poussée de couple en électrique est suivie d’une longue pause avant que le moteur essence ne prenne enfin le relais. Cela devient vraiment problématique dans les embouteillages, où l’interaction entre les deux moteurs n’est plus du tout adaptée à la conduite lente. Le Tonale se met alors à avoir des réactions bizarres, comme hoqueter ou hurler. En conduite rapide, il se passe une éternité avant que la puissance demandée ne soit transformée en énergie transmise aux roues. Même si le réglage de la boîte automatique n’est pas sportif, les unités à double embrayage fonctionnent en général de manière plus directe.
Dans notre premier contact avec la version de 160 ch nous avions déjà évoqué la réaction hésitante de la chaîne cinématique aux mouvements de la pédale d’accélérateur. Etant donné que seulement 240 Nm sont disponibles, la boîte de vitesses est doublement sollicitée lors des changements de vitesse rapides. Avec 30 ch de moins et le même couple, ce phénomène est encore plus marqué. D’autant plus que la petite machine électrique, avec sa puissance de 15 kW (22 ch) et 55 Nm, n’apporte presque jamais une aide perceptible, sauf au démarrage. Quant à la capacité de la batterie de 0,77 kWh, elle permet au Tonale de rouler sporadiquement en électrique – à condition d’être à plat ou en descente. On constate que l’électrification chez Alfa Romeo n’en est qu’à ses débuts et que le développement de l’hybride non rechargeable n’occupe pas une place centrale dans le groupe Stellantis. En comparaison, Toyota ou Renault parviennent à créer une interaction bien plus homogène entre les moteurs et la boîte.
Bon comportement
Ces imperfections sont aussi ce qui font le charme des voitures italiennes. Celles-ci procurent toujours des émotions, mais il y a souvent quelque chose qui cloche… En revanche, il n’y a pas grand-chose à redire sur les réglages du châssis, qui est tout à fait adapté à la puissance disponible. Les suspensions McPherson à l’avant et à l’arrière sont fermes, mais pas désagréablement dures. La répartition active du couple gère bien les forces – pas très grandes, il est vrai. Les mouvements de roulis sont également contenus relativement efficacement et le train avant concilie avec brio la dynamique longitudinale et transversale. Toutefois, la direction est un véritable frein à l’amusement: elle est extrêmement assistée et convient donc pour la ville avec ses 2,25 tours de volant seulement, mais elle est aussi particulièrement avare en sensations et imprécise.
Les trois modes de conduite que l’on peut choisir via le sélecteur «DNA» ont une influence sur la réponse de l’accélérateur, le passage des vitesses et la sensation de la direction – elle devient seulement plus dure, pas plus affûtée. Ils ne changent cependant pas grand-chose au comportement, car la suspension adaptative n’est disponible que dans des exécutions supérieures à celle de la voiture essayée. Quant aux freins, ils ne sont pas reliés mécaniquement à la pédale, mais électroniquement («by wire»). Le ressenti est harmonieux et le résultat efficace, l’auto s’immobilisant en 34,6 mètres quand elle est lancée à 100 km/h.
Ce 1,5-l de 130 ch a heureusement un bon côté. Sur le parcours normalisé RA, il s’est contenté de 5,4 litres d’essence aux 100 km, ce qui est plutôt peu compte tenu de son poids d’au moins 1,6 tonne. Néanmoins, en raison de son hybridation légère, on aurait pu s’attendre à des valeurs encore plus basses. Ainsi, le turbodiesel 1,6 l de 96 kW (130 ch) devient une alternative intéressante. D’autant plus qu’il coûte le même prix et qu’il dispose d’un couple plus élevé (320 Nm).
Le Tonale arrive tard sur un marché où il y a beaucoup de concurrents. Quelle que soit la variante – c’est-à-dire de 41 900 francs à 61 900 francs maximum avec un équipement complet – il aura affaire à de féroces adversaires. Dans le segment des SUV compacts, presque tous les constructeurs sont déjà bien représentés, il est donc difficile de se tailler une part du gâteau. Cela dit, pour espérer se faire une place dans l’arène, il faut d’abord avoir un combattant à proposer. C’est désormais le cas avec le Tonale. Reste à savoir s’il réussira à briller. Ce serait certainement souhaitable, mais, surtout, crucial pour Alfa Romeo.
Résultats
Note de la rédaction 70/100
moteur-boîte
La chaîne cinématique «mild hybrid» est efficace, l’objectif est donc atteint pour l’instant. Toutefois, l’interaction entre les moteurs et la boîte de vitesses est très lente, hésitante et parfois même dérangeante.
trains roulants
Les suspensions ne sont ni très confortables ni très dynamiques. En ville et en ligne droite, la direction se montre agréable.
Habitacle
Le Tonale réussit à marquer des points avec de petits détails sympathiques. Hélas, cela ne suffit pas à masquer le plastique bon marché et utilisé à grande échelle. L’infodivertissement et l’espace sont corrects.
Sécurité
Les aides à la conduite n’ont pas connu de ratés importants pendant la durée du test. Le freinage est très puissant.
Budget
Il faut bien réfléchir pour savoir quel Tonale et quel équipement vous conviennent le mieux. La fourchette de prix est tout de même
de 20 000 francs.
Verdict
Avec le Tonale, Alfa Romeo tente aussi profiter du juteux marché des SUV compacts. Toutefois, les adversaires sont nombreux et bien implantés. Son charme italien attirera certainement quelques clients, mais en raison de sa parenté avec le Compass, le Tonale souffre d’un handicap majeur et court derrière la concurrence, surtout en ce qui concerne sa chaîne cinématique, largement perfectible.
Vous trouverez le fiche technique de ce modèle et les mesures effectuées par la RA dans la version imprimée et dans le e-paper.