Le nouveau Range Rover donne l’impression de tout faire juste. Ce qui donne le sentiment étrange que beaucoup de choses avaient été ratées sur le modèle précédent. Nous ne faisons même pas allusion au design extérieur, qui est mieux proportionné sur le dernier-né des Range Rover. Les lignes épurées, avec ces minces feux arrière, les poignées de porte encastrées et l’absence de toute arête, siéent bien à ce Range Rover. Pour conduire les enfants à la crèche ou au yoga, ce véhicule n’a pas besoin d’exagérer avec l’attirail tout terrain. L’essentiel, c’est qu’il puisse quand même sortir des sentiers battus si nécessaire.
Lorsque nous affirmons que tout semble réussi, nous pensons surtout à la planche de bord. Les Anglais ont fait marche arrière et supprimé quelques écrans et pavés tactiles, ainsi que les innommables et monstrueuses unités de commande au volant. Pour les fonctions importantes, y compris la climatisation, il y a maintenant de véritables boutons et les touches du volant sont à nouveau placées sur les branches, comme c’est la coutume.
Cet élagage de pixels ne signifie pas que le nombre d’écrans a diminué; les lucarnes sont simplement utilisées ailleurs, là où elles sont plus pertinentes. Le combiné d’instruments est toujours entièrement numérique, alors que l’écran d’infodivertissement, de forme légèrement convexe, n’est plus intégré à la planche de bord, mais semble avoir été posé par-dessus. Et à l’arrière, on trouve encore trois écrans tactiles optionnels: deux pour divertir les passagers, et un autre au centre pour le pilotage d’une myriade de fonctions de confort. Tous les écrans sont à haute résolution, d’une élégance sans pareille et coûtent très cher. Rien que pour les deux tablettes qui permettent d’occuper les enfants sur les sièges arrière, il faut débourser 3460 francs supplémentaires. Le Range Rover confirme son statut de produit exclusif, l’outil de travail de jadis est devenu depuis belle lurette un symbole de réussite sociale: son prix de base, établi à 153 400 francs avec empattement «court», laissera beaucoup d’amateurs scotchés devant les vitrines des concessions. C’est pire encore pour la mouture à empattement long, il faut aligner au moins 182 200 francs, avec toutefois une vraie contrepartie.
Cocon protecteur
Le modèle à empattement court, que nous avons conduit, offre déjà plus qu’assez d’espace à bord pour quatre adultes, et encore suffisamment pour en loger un cinquième. En effet, le Range Rover «court» dispose déjà d’un empattement de 3 mètres et s’étend sur une longueur de 5,05 mètres. L’espace aux genoux et la garde au toit sont donc aussi généreux que dans les générations précédentes. En option, la version Long Wheel Base est également disponible en configuration sept places. La troisième rangée de sièges, généreusement dimensionnée, peut être relevée ou abaissée par simple pression sur un bouton; la deuxième rangée s’écarte largement – et électriquement – pour faciliter l’accès à la rangée du fond.
Les coups de pouce électriques ne s’arrêtent pas là, dans le Range Rover. Une commande située dans le coffre actionne le coulissement et le repliement des sièges, le déploiement du cache-bagages et du crochet d’attelage; un autre bouton permet de relever ou d’abaisser la garde au sol, pour faciliter le chargement d’objets dans le coffre.
En effet, la suspension pneumatique adaptative intègre la dotation de série, au même titre que les quatre roues directrices. Ce monstre de 2,5 tonnes souffre d’une certaine inertie, il préférera la balade tranquille à la conduite enjouée. En soi, ce n’est pas un grave défaut, car le Range s’est toujours distingué par le silence régnant à bord; l’impression d’être dans un cocon totalement isolé du monde extérieur est saisissante. Même les bruits aérodynamiques ne viennent pas perturber cet oasis de tranquillité, malgré une surface frontale comparable à celle d’un mur d’appartement. À l’instar d’un canapé, les opulents sièges offrent peu de maintien latéral, mais tout le luxe possible, du chauffage et de la ventilation à la fonction de massage. L’ensemble est bien fini, les matériaux sont de haute qualité et le cuir est impeccable. Les plastiques utilisés ici et là ont l’air solides, leur grain ne paraît pas bon marché.
Nous n’avons pu tester jusqu’ici que la version V6 diesel, non disponible en Suisse et qui ne le sera probablement jamais. Poursuivant chez nous une stratégie de basses émissions, Land Rover ne propose le Range qu’en version hybride rechargeable P400e. On peut le regretter, car le turbodiesel, grâce à son couple de 700 Nm disponible dès 1500 tr/min, confère à ce bestiau des accélérations vigoureuses. Cette sensation est confirmée par les chiffres, à savoir 6,1 secondes de 0 à 100 km/h selon le constructeur. L’éventail des motorisations s’étend du six-cylindres diesel de 183 kW (250 ch) au modèle P530, qui accélère comme une voiture de sport grâce à son V8 de 4,4 litres délivrant 390 kW (530 ch). Le 0-100 km/h est alors une affaire réglée en à peine 4,6 secondes!
Nouvelle architecture
En Suisse, c’est le P440e qui tiendra la barre. Ce modèle hybride plug-in associe le six-cylindres en ligne bien connu avec un moteur électrique intégré à la boîte de vitesses. La puissance du système s’élève à 324 kW (440 ch) et le couple à 550 Nm, de quoi permettre au Range Rover hybride d’accélérer de 0 à 100 km/h en 6 secondes. Toutefois, ce modèle ne se contente pas de déjouer le cycle WLTP, il doit aussi parcourir le plus de kilomètres possible à l’électricité. Pour ce faire, la capacité de sa batterie hybride atteint 31,8 kWh, soit presque le double de ce que propose la concurrence. L’autonomie électrique déclarée par Land Rover est, de ce fait, deux fois plus élevée que la norme, avec 109 km. Néanmoins, ce choix technique vient avec un lourd tribut sur la balance, car le système ajoute 200 kg, portant le poids à vide du Range Rover électrifié à 2,7 tonnes au bas mot. Les batteries sont certes judicieusement installées dans le soubassement du véhicule et non dans le coffre, mais il n’en reste pas moins qu’à pleine charge, le Range plug-in se maintient tout juste sous la barre fatidique des 3500 kilos.
La nouvelle plateforme flexible – appelée Mixed-Metal Modular Longitudinal Architecture (MLA-Flex) – est à la base de l’énorme pas en avant effectué par le Range Rover. Grâce à un tablier en acier plus rigide et à des renforts cylindriques sur les montants A, C et D, sa résistance torsionnelle a augmenté de 50% par rapport au modèle précédent, même avec un toit vitré panoramique s’étendant sur toute la longueur. Cela devrait avoir pour effet de réduire de 24% la transmission de bruits et vibrations dans l’habitacle. Bien que le Range Rover ne soit plus souvent appelé à quitter les routes goudronnées, nous tenons cependant à le mettre à l’épreuve en tout terrain. La chaîne cinématique se démène pour compenser le poids et les modes de conduite adaptés aux différents terrains optimisent la régulation du couple. Toute intervention humaine est superflue, ou impossible, c’est vous qui voyez. Le verrouillage longitudinal et transversal des différentiels ne peut pas être activé manuellement. La seule chose que le conducteur puisse faire est d’enclencher la réduction tout terrain et d’augmenter la garde au sol de 22 à 29,5 cm. Les stabilisateurs du système Dynamic Response Pro sont commandés activement par le réseau de bord de 48 volts et peuvent développer jusqu’à 1400 Nm de couple. La façon dont le Range se comporte sur un sol glissant ou sur du sable meuble est à la limite entre un SUV haut de gamme et un vrai tout-terrain. Il en va de la réputation du badge Land Rover, mais bonne nouvelle: l’honneur du «roi» est sauf!