Le suspense était-il réel? La domination de Jonathan Hirschi, vainqueur lors de chacune des quatre manches du Championnat de Suisse auxquelles il avait participé cette saison, pouvait-elle être remise en question? Non, si l’on s’en tenait à la seule logique. Mais essayez de parler de logique à un rallyman, il vous regardera de travers. Rien n’était donc fait pour l’équipage Hirschi/Lattion vendredi matin, au moment du départ du 63e Rallye International du Valais, RIV pour les intimes. Parce que même si les fameux chiffres disaient qu’à l’arrivée, le duo formé par Jonathan Michellod et Stéphane Fellay devraient retirer leur moins bon résultat de la saison – pour Hirschi, c’était déjà fait, puisqu’il n’avait pas participé au Rallye de Bourgogne –, c’est bien le garagiste de Sembrancher qui était en tête du classement général. Et cela signifiait qu’Hirschi ne pouvait pas se permettre la moindre erreur dans le Vieux Pays. D’autant qu’il évoluait sur le terrain de son adversaire, enfin de ses adversaires puisque le Verbiérain Mike Coppens était lui aussi de la partie en Valais. Bref: d’un côté un leader qui sentait dans sa nuque un souffle chaud menaçant; de l’autre, un chasseur qui devait à la fois allier panache et sécurité, sur un terrain par endroits piégeux.
Pour un dixième
D’entrée de jeu, comme il en a désormais pris l’habitude, Hirschi a dicté le ton même si, au premier parc d’assistance du vendredi, Michellod – excellent dans la spéciale Euseigne – Le Tride – était en tête pour… un dixième de seconde. À plus de 16 secondes, Coppens était un peu lâché. L’après-midi, les choses allaient se précipiter: du côté de Montana, Michellod n’allait pas pouvoir éviter un tête-à-queue, un contact avec un muret et ainsi lâcher 21 secondes. Un premier tournant? Pas encore, parce que dans la spéciale suivante, c’est le leader qui allait commettre une erreur dans la montée vers Anzère: «La route était séchante, j’étais en pneus slick, idéaux pour le sec. Je me suis retrouvé un peu au large dans une épingle, je pensais m’en sortir, mais deux roues se sont retrouvées dans l’herbe, j’étais bloqué. Le temps de manœuvrer, j’ai pointé à 20 secondes au passage d’Anzère», explique Hirschi. Qui allait rapidement se rattraper dans la descente (scratch de Michael Burri), pour conserver son leadership. Vendredi soir, il comptait 18’’4 d’avance sur Michellod, 38’’0 sur Coppens et 39’’00 sur Burri. Le Polonais Koltun, l’un des représentants étrangers, était quant à lui à plus d’une minute trente. Six scratches pour Hirschi, un pour Michellod, un pour Burri: le tenant du titre restait bien le patron.
Le juge de paix
Le samedi matin, chacun savait que ce qui s’était passé la veille n’avait finalement pas une grande importance. Que c’était bien maintenant que le rallye allait se jouer, en particulier dans la spéciale des Cols, la première de la boucle, 29,220 km. Si Michellod et Coppens entendaient bien mettre la pression sur Hirschi, c’était là, dans ce juge de paix. Mais le Neuchâtelois allait encore frapper, battant Coppens et Burri d’une dizaine de secondes, alors que Michellod, qui était parti à l’attaque – il n’avait pas le choix – n’allait pas éviter une crevaison et ainsi perdre plus de 50 secondes: la course et le titre étaient alors joués.
Les lauriers pour Hirschi
«L’opération est clairement réussie», explique Jonathan Hirschi. «Le Valais, c’est le rallye le plus beau de la saison suisse, le plus difficile aussi, parce que les pièges y sont nombreux. Ce fut un beau duel avec Jonathan Michellod et ce titre, on ne pourra pas dire que je l’ai gagné au rabais», ajoute le Neuchâtelois. Le «break» réussi, Hirschi allait ensuite contrôler sa course («la spéciale de Lourtier était particulièrement compliquée; là, j’ai vraiment assuré le coup»), s’imposant finalement avec plus de 50 secondes d’avance sur un Mike Coppens «mis à l’amende» (1000 francs tout de même) pour avoir caché l’un des sponsors officiels de la manifestation sur sa voiture, «HIFI FILTER». La raison? Cette compagnie n’est autre que l’entreprise de… Jonathan Hirschi! «Décision du jury», explique l’un des responsables de l’organisation, Lionel Muller, heureux du succès de l’épreuve valaisanne: «Je ne m’attendais pas à voir autant de monde pour le podium final. Je crois que nous avons prouvé qu’il fallait d’abord répondre aux souhaits des passionnés.» Précision: par rapport aux années très «marketing» des promoteurs précédents, le budget a quasi été coupé de moitié. Le Prévôtois Michael Burri complète le podium, devant un Jonathan Michellod qui ne doit pas avoir de regrets: lui aussi a fait son travail, il est juste tombé sur plus fort que lui.
Désormais double Champion de Suisse des rallyes, Jonathan Hirschi ne sait pas encore de quoi demain sera fait: «Il y a un peu de fatigue, parce que, notamment, les tensions du Rallye du Mont-Blanc ont été pesantes. L’an prochain, je roulerai, parce que j’aime toujours cela, mais je ne sais pas dans quel cadre, avec quel programme. Là, je vais m’offrir un mois «off» et je réfléchirai ensuite à ce qui est possible de faire. J’ai évoqué en cours d’année la possibilité de participer à quelques beaux rallyes du Championnat de France, pour progresser; sportivement, c’est un joli défi, mais techniquement, il faut être sûr de trouver la bonne voiture et la bonne structure.» À suivre, comme on dit dans ces cas-là…