INTERVIEW AVEC STEVE ZANLUNGHI, DIRECTEUR DE JEEP EMEA

Quatre ans de résultats en constante augmentation n’ont fait qu’attiser les ambitions de Jeep. Nous avons rencontré le directeur de la région Europe, Moyen-Orient, Asie, Steve Zanlunghi.

Steve Zanlunghi, directeur de Jeep EMEA.

L’appétit vient en mangeant. Jeep n’est clairement pas repu, après quatre ans de forte croissance. La marque détenue par FCA a conclu l’exercice 2015 avec une croissance impressionnante de 22%, avec 1,2 million d’exemplaires vendus de par le monde. La progression est encore plus spectaculaire en Europe, où les ventes ont plus que doublé en l’espace d’un an, grâce notamment à l’introduction de la Renegade. Nous avons discuté au Salon de Genève des raisons d’un tel succès sur le Vieux Continent avec le responsable de ce marché, Steve Zanlunghi.

La marque Jeep est l’un des plus grands succès du groupe FCA. Comment expliqueriez-vous ce succès ?

Nous ne nous comparons pas avec nous-mêmes, mais avec les concurrents. L’année dernière, la marque Jeep a grandi de 130% en Europe, ce qui était la plus grande progression enregistré sur le Vieux Continent. Une tranche importante de ce succès est attribuable au Renegade, dont les ventes ont dépassé nos prévisions. Nous pensons qu’il n’a pas encore démontré tout son potentiel, puisqu’il n’est vendu que depuis le mois d’avril 2015 et qu’il n’a pas encore débarqué sur tous les marchés mondiaux. L’effet Renegade s’étend au-delà des ventes, puisqu’il attire de la reconnaissance au reste de la gamme et nous amène une clientèle différente. Ce sont des acheteurs que nous n’aurions pas eu auparavant, puisqu’il fallait 35000 euros pour rentrer dans l’univers Jeep par le passé. Là, ils mettent un premier pied dans l’univers Jeep et nous espérons les fidéliser grâce à notre esprit communautaire et tourné vers le « lifestyle ».

Jeep a vendu 1,2 millions de véhicules en 2015 et vise la barre des deux millions pour la fin 2018. N’est-ce pas extrêmement ambitieux ?

Si on regarde les chiffres bruts, c’est effectivement ambitieux. Mais nous avons plusieurs moyens d’atteindre cet objectif. Premièrement, grâce à nos produits ; deuxièmement, en étendant notre capacité productive à toujours plus de pays et en nous ouvrant à des marchés où nous étions jusqu’à présent absents ou peu compétitifs. Il y a deux ans, nous ne construisions nos véhicules qu’aux Etats-Unis ; aujourd’hui, nous avons des usines au Brésil, en Italie, en Chine et nous venons d’annoncer une nouvelle manufacture en Inde.

Les fans de la marque ne voient-ils pas d’un mauvais œil cette expansion de la marque, qui risque de la dénaturer ?

Non, dès l’instant où elles restent de vraies Jeep et qu’elles respectent leur ADN. Voilà 23 ans que je suis fan de Jeep. J’ai moi-même eu quelques doutes, lorsque nous avons annoncé que nous allions fabriquer la Renegade sur la même chaîne de montage que la Fiat 500X. Mais on nous a dit que, à part la plateforme, tout serait différent. La 500X a été développé par l’équipe de Fiat, et la Renegade par les hommes de Jeep, aux USA. Au final, la Renegade est l’un de véhicules aux plus fortes capacités en offroad que nous n’ayons jamais construit ; j’ai pris un Renegade Trailhawk en tout-terrain, il m’a bluffé. Pour les puristes et les fans les plus fidèles, nous continuerons de construire des véhicules aux Etats-Unis. Or, même le Renegade, qui a été importé aux Etats-Unis, a été bien accepté comme une vraie Jeep.

Qui sont les nouveaux clients que vous recherchez ?

Cela dépend des segments. Dans la catégorie des SUV compacts, nous nous sommes positionnés comme le seul 4×4 avec de réelles capacités en tout terrain. La plupart de nos concurrents ne sont pas des SUV, ils sont plus des crossovers, ou des voitures qui ont été quelque peut relevées. 46% des ventes du Renegade sont réalisées avec la transmission intégrale.

La gamme va-t-elle s’étendre vers le bas ?

Pour l’heure, non. Nous ne sommes pas certains qu’il y ait un marché pour ce genre de véhicules. La prochaine étape de notre plan se concentre sur le SUV de segment C. Cette catégorie représente 39% du marché total des SUV, donc il est extrêmement important pour nous. Nous avons encore plus d’espoirs pour ce SUV que nous en avons pour le Renegade. Notre manière de nous différencier de la concurrence restera la même, en nous positionnant comme un vrai tout-terrain.

Est-ce que le marché européen est plus difficile pour Jeep que les Etats-Unis ?

Absolument. Parce que nous sommes une marque « étrangère », nous ne sommes pas sur notre marché domestique. D’autres points nous ont pénalisé, comme le respect des normes CO2, qui sont très différentes de ce que nous avons aux USA. Quand je suis arrivé en Europe en 2012, je ne savais même pas ce qu’était le CO2 ! (Rires) Heureusement, grâce à la fusion avec Fiat, nous avons eu accès à des technologies qui nous ont permis de couper un sacré paquet de CO2 sur notre nouvelle génération de véhicules.

Comment expliquez-vous que la fusion avec Fiat fonctionne plutôt bien alors que, avec Mercedes, elle ait échoué ?

C’est incroyable, lorsque vous y pensez. Sur le papier, ç’aurait dû marcher bien mieux avec Daimler. Le point de rupture a été, selon moi, le lancement de la Chrysler 300C, qui utilisait un grand nombre de composants Mercedes. Les dirigeants de la marque ont eu peur qu’elle ne vole des parts de marché à la Mercedes Classe E ; ils ont donc décidé de la lancer dépouillée de toute technologie. Selon moi, cela a été le début de notre banqueroute, car il a fallu la repenser de A à Z, avec des composants moins chers, en plastique. Lorsqu’elle est arrivée sur le marché, elle était dépassée. Nous avions économisé 1000 dollars sur chaque véhicule, mais nous devions faire des rabais de 3000 ou 4000 dollars pour réussir à les vendre. Même si nous n’avions pas de chevauchement au niveau de la gamme, Mercedes a décidé de nous appauvrir de notre technologie pour renforcer leur lignée de modèles. En revanche, avec Fiat, même s’il y avait quelques chevauchements au niveau des gammes, il n’y en avait pas sur les marchés, puisque Fiat est très faible aux USA. A l’inverse, Chrysler n’est pas très forte en Europe ou en Amérique du Sud, contrairement à Fiat. Sur le versant des groupes motopropulseurs, cette complémentarité est encore plus criante. Avant de fusionner avec Fiat, nous n’avions pas un seul moteur en dessous de 2,4 litres, tandis que le groupe italien n’avait pas un seul propulseur au-dessus de cette cylindrée. Nous avons pu partager nos technologies aussi à d’autres niveaux, et l’organisation, très orientée « marques », a aussi beaucoup aidé à une bonne entente. En effet, chaque marque a sa technologie, sa personnalité, sa touche, son caractère, contrairement à ce qui se passe avec d’autres groupes. Tous les composants que nous partageons sont invisibles pour le consommateurs, car ils se situent sous la carrosserie ou derrière le tableau de bord.

Est-ce que Jeep ambitionne à devenir plus luxueux ?

Nous essayons d’élever notre marque, mais pas forcément vers le premium. Nous sommes une marque « lifestyle » ; nous pouvons nous positionner de cette manière, tandis que d’autres ne le peuvent pas. Quelle autre marque réussit à réunir en 3 ou 4 mille passionnés dans la marque au milieu d’une forêt, en plein été, en France ? Nous l’avons appelé « Camp Jeep », avez-vous déjà entendu parlé d’un « Camp VW » ? (Rires)

 

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