Dimanche, nous saurons si la nouvelle loi sur le CO2 aura passé la rampe ou non. Selon ses partisans, elle constitue une étape nécessaire pour que la Suisse atteigne les objectifs climatiques fixés, respecte l’Accord de Paris et puisse combattre efficacement les changements climatiques. Mais pour ses détracteurs, cette servira seulement à prélever de nouvelles taxes sans que cela ne contribue notablement à protéger le climat.
Vanessa Meury fait partie de ceux qui rejettent ce texte de loi. Âgée de 24 ans, la native de Granges (SO) ne correspond pas au cliché que l’on brosse souvent des opposants à la loi sur le CO2. Elle s’engage pour une protection efficace du climat – c’est même la raison pour laquelle elle s’oppose à ce texte. En tant que présidente du Club Énergie Suisse, elle nourrit déjà des craintes quant à l’approvisionnement énergétique. En effet, en cas d’acceptation, la consommation de courant tendra à augmenter – au premier chef à cause de l’électromobilité. Pour éviter un black-out, nous risquons de devenir tributaires de l’étranger et de devoir nous fournir en courant électrique «sale». «Nous devons sérieusement remettre sur la table le sujet de l’énergie nucléaire», dit-t-elle avec conviction.
REVUE AUTOMOBILE: Vous êtes contre la nouvelle loi sur le CO2. Quels sont, selon vous, les plus grands problèmes qu’elle pose?
Vanessa Meury: En plus du fait que la loi ne contribue pas à l’amélioration du climat au niveau mondial, elle va créer un grave problème en matière de sécurité d’approvisionnement en courant électrique. La solution actuelle pour se passer des énergies fossiles consiste en une électrification massive et cela va entraîner une plus forte consommation d’électricité. Or, nous manquons déjà de courant en hiver et nous devons alors en importer de l’étranger – en l’occurrence d’Allemagne. Mais celle-ci le produit à partir de centrales thermiques au charbon, combustible parmi les plus grands générateurs de CO2. Ce n’est là que l’une des nombreuses contradictions de la nouvelle loi. L’électromobilité est un exemple significatif: si, à l’avenir, nous devions tous rouler en voiture électrique, il y aurait une pénurie de courant en Suisse.
Voyez-vous aussi des aspects positifs à la refonte de la loi sur le CO2?
Selon moi, la loi a de bonnes intentions, mais les moyens ne sont pas les bons. L’expérience a montré que l’on obtient moins de résultats avec des interdictions et des taxes qu’en privilégiant l’innovation et les nouvelles technologies. Depuis 1990, les rejets de CO2 par individu ont déjà régulièrement diminué. Et ce, malgré l’augmentation de la population et l’essor économique; or, les partisans cherchent toujours à faire croire que la Suisse ne veut pas faire sa part pour le climat. Il est préférable de se fier à la responsabilité individuelle, à l’innovation et à la technique plutôt que de laisser l’Etat décider comment nous devons vivre.
Quelles seraient les conséquences d’une acceptation de cette loi?
Les conséquences sont évidentes: les carburants coûteront plus cher. Ce qui vaut aussi pour le logement. Locataires et propriétaires verront leurs factures augmenter. Enfin, tous les produits de la vie quotidienne seront plus chers eux aussi, car leur production requiert de l’énergie. Et, à la fin, c’est toujours le consommateur qui paie la note. De plus, la loi va nous mener aussi dans un cul-de-sac en matière de politique énergétique et climatique et faire demi-tour sera difficile. La loi rate son objectif «de protection efficace du climat» et torpille de surcroît la sécurité de l’approvisionnement électrique en Suisse.
Vous plaidez pour une «protection effective du climat». De quoi s’agit-il concrètement?
Réduire nos rejets de CO2 efficacement passe inévitablement par l’électrification, car il n’y a pas actuellement d’autres possibilités. Mais ce n’est pas en important du courant de centrales à charbon allemandes que l’on baissera les émissions. Nous devons conserver notre mix énergétique. Dans le contexte de la protection du climat, les politiques doivent reconnaître le rôle important que joue le nucléaire, car celui-ci est neutre sur le plan du CO2.
La Suisse est petite et notre taux de rejet de CO2 est négligeable. Sommes-nous a priori capables d’apporter une contribution notable à la protection du climat?
Même un petit pays doit apporter sa contribution à la protection du climat, c’est incontestable. Avec l’énergie nucléaire, nous atteindrions nos objectifs climatiques et nous aurions simultanément assuré notre approvisionnement en courant.
Ne pourrait-on pas investir dans des projets plus judicieux avec l’argent que va nous coûter la protection du climat en Suisse?
Avec l’argent que nous dépensons ici dans ce domaine, nous pourrions certainement économiser plus de CO2 dans les pays en développement. A mon avis, la capacité d’innovation des entreprises suisses est le plus grand levier sur lequel travailler. Mais des réglementations dispendieuses et une redistribution inéquitable des fonds ne la favorise pas.
Le but de la loi sur le CO2 et de la stratégie climatique de la Confédération est d’abandonner les énergies fossiles et de promouvoir l’électromobilité. D’un autre côté, on arrête les centrales nucléaires. Ne risque-t-on pas un gravissime déficit d’approvisionnement?
C’est exactement là où le bât blesse. La stratégie de la Confédération est vouée à l’échec. La Stratégie Énergie 2050 s’inscrit d’ores et déjà en contradiction avec l’actuelle loi sur le CO2. Selon l’OFSP, une situation de pénurie d’électricité est actuellement le plus grand risque qui menace les Suisses.
Cela veut dire que nous pourrions très bientôt nous retrouver avec des blackout?
Les dommages seraient considérables pour la société et l’économie. Bien qu’on en soit conscient, pratiquement rien n’est fait pour empêcher un tel scénario. Et, avec la nouvelle loi, cette situation s’aggraverait considérablement parce que nous aurions besoin d’encore plus de courant.
Certains milieux réclament l’abandon des énergies fossile et nucléaire tout en s’opposant aux projets de barrages hydrauliques, et ce pour des considérations écologiques. Cela paraît sans issue…
Effectivement, c’est un discours que je ne comprends pas non plus et qui me préoccupe beaucoup. C’est d’ailleurs la raison principale pour laquelle je m’engage en tant que présidente du Club Énergie Suisse. C’est exactement ce genre d’incohérence que nous pointons du doigt. Notre objectif est d’inciter les milieux politiques à enfin assumer leurs responsabilités.
Comment pouvons-nous garantir l’approvisionnement en énergie à l’avenir?
En Suisse, nous devrions sérieusement rediscuter du nucléaire. En l’occurrence sous l’angle de la sécurité d’approvisionnement et de la protection du climat. Avec le nucléaire, nous ne garantissons pas seulement notre approvisionnement en courant, nous contribuons aussi à protéger le climat.
Cela signifie qu’une nouvelle loi n’est pas nécessaire?
À mon avis, ce qui est nécessaire, c’est une nouvelle loi sur le climat et l’énergie qui fixe comme objectif un approvisionnement en énergie climatiquement neutre d’ici à 2050. Cette loi devrait abroger l’interdiction de nouvelles centrales nucléaires, abolir les subventions pour les énergies renouvelables et donner la plus grande priorité à l’extension des centrales hydrauliques. Mais il faut aussi fixer un prix pour les émissions de CO2. Une telle loi serait un grand pas en direction d’une Suisse à l’approvisionnement sûr et climatiquement neutre.
Quelle est votre pronostic quant à l’issue du scrutin de dimanche?
Je suis optimiste et je parie sur un non. Malgré les arguments des partisans, on a constaté, ces dernières semaines, que la population a pris conscience des problèmes qui vont de pair avec cette nouvelle loi. J’espère seulement que le plus grand nombre possible d’électeurs ira voter dimanche.